Sur les causes et solutions à la crise écologique et climatique, le débat est toujours vif : est-ce notre cerveau qui est à l’origine de la crise climatique et humaine que nous traversons ? Ou bien notre culture ? Les décisions politiques ? La technologie ? L’anthropocentrisme? L’innovation ? La faiblesse des moyens financiers alloués ? Quel axe faut-il privilégier ? Ces débats, tous intéressants sur le fond, soulèvent à mon avis deux choses importantes :
LA PREMIERE CHOSE est de ne pas céder à la tentation de trouver une seule et unique raison au non changement et donc une seule et unique clé au changement : la biologie du cerveau et des émotions, les automatismes, le facteur psychologique, les contingences humains et techniques, nos représentations culturelles, les modes de prise de décision, les conflits d’intérêts, les enjeux de pouvoir, notre culture, tout cela est un enchevêtrement de causes et conséquences profondément liées entre elles qui jouent toutes un rôle dans notre capacité à changer ou non.
Trop compliqué ? Non, juste complexe. La complexité invite non pas à en faire plus, mais à faire mieux, à devenir plus précis, non pas en subissant la nature humaine mais en se posant la question : mais qu’est-ce qui dans mon entreprise, mon territoire, mon système freine spécifiquement ? Ou est notre grain de sable ? Rarement nous prenons le temps de tout mettre à plat, pour bien démêler l’écheveau de laine et être en capacité de regarder vraiment là où cela coince. C’est pourtant ce que j’aime le plus dans mon métier : faire simple avec la complexité humaine, pour que chacun puisse mieux comprendre et prendre en main le « facteur humain » et en faire une ressource plutôt qu’une source de plainte, et encore mieux, en faire un élément stratégique de transition.
LA DEUXIMEME CHOSE est de renoncer à l’idée que nous sommes des êtres entièrement libres et rationnels.
Les sciences humaines, sociales et cognitives nous montrent depuis longtemps que nos choix et décisions ne sont pas qu’issus de la raison, encore moins concernant les enjeux climatiques et écologiques qui remettent en cause les fondements mêmes de nos sociétés modernes.De fait, nos cognitions présentent toujours des degrés variables d’objectivité et de subjectivité, et d’expérience je vois que cette dernière est constamment sous-estimée voire ignorée.
Car nous persistons à croire que ce que l’on perçoit ou pense est réel, vrai, objectif et que nous percevons donc tous la même chose. Cette croyance en notre totale rationalité, largement partagée, est appelée « réalisme naïf » par les épistémologues. Nous ne voulons pas admettre que nous ne sommes ni totalement libres ni totalement rationnels ! Pourquoi ? D’une part parce que ce serait admettre que nous sommes des animaux, et en tant que tels soumis aux lois de la nature et de la biologie (du cerveau, du corps, des émotions), alors même que nous avons tout fait depuis des centaines d’années pour l’oublier !!! D’autre part, parce que ce serait renoncer à notre idéal de liberté : « Comment ? Je ne serais pas totalement libre de décider et faire ce que je veux ? »
Alors oui cela demande du courage de le reconnaitre.
Pourtant, en ne renonçant pas à cette idée de liberté et de rationalité absolue, nous persistons à attendre des solutions et des décisions rationnelles alors que cela est en dehors de nos capacités. Ce faisant nous passons à côté de données essentielles au changement. En acceptant notre rationalité limitée, nous pouvons alors nous tourner vers des solutions qui en tiennent compte et qui dès lors sont en phase avec la réalité.
La cerise sur le gâteau ?
En reconnaissant notre manque de liberté et de rationalité face au changement, paradoxalement, nous gagnons beaucoup de marge de manœuvre, de liberté et de rationalité puisqu’enfin nous agissons non plus contre la réalité, mais avec.
Illustration : Nature Humaine II de Amy Verhoeff